samedi 16 avril 2016

      
LE TEMPS DES MIROIRS 


Les tilleuls embaumaient l'air de ce début Juin. Soudain submergés par cette odeur au parfum de nostalgie, les deux hommes pressèrent instinctivement le pas le long de l'allée qui menait à la maison de leur enfance. Nichée tout au fond de l'écrin de verdure du parc, semblant chauffer ses vieilles pierres au soleil couchant, la bâtisse les attendait depuis toujours. Les fenêtres et les portes en bois, l'harmonie de la façade et la glycine qui courait au dessus du seuil ; tout contribuait à donner à l'endroit ce charme et même cette magie si particulière dont tous deux se souvenaient.
     Le parc et la maison elle-même avaient souvent retenti de leurs rires d'enfants turbulents et joyeux mais c'était bien la voix d'Olaya qui s'élevait à travers le temps dans l'esprit des deux cousins. Claire et cascadant comme une eau vive au rythme des « r » auxquels ses origines espagnoles donnaient une vie particulière, elle ponctuait leurs journées de vacances chaque été, depuis son lumineux et souriant accueil matinal jusqu'à l'appel précédant le repas du soir. 
     « Baptiste ! Raphaël ! Où êtes-vous ? Il est l'heure. »
     Avec Olaya, il était toujours l'heure. L'heure de se lever, l'heure de manger mais aussi et surtout l'heure de venir voir, découvrir, apprendre … Le temps semblait suspendre son vol, comme éclaté en mille petites bulles de bonheur : petits bijoux ciselés par le souffle de l'instant. Une fourmi traversant l'allée chargée de son lourd et frêle fardeau à la fois, une tartine de confiture ou de chocolat râpé sur du beurre, une armoire à ranger qui finissait toujours par un répandre son contenu de vieilles photos sur la table la plus proche. 

     La porte venait de céder sous leurs efforts conjugués ; le bois que l'humidité de l'hiver avait tendu protesta faiblement. Simplement pour la forme leur sembla-t-il ; comme si la maison venait de les reconnaître et d'accepter leur présence. 


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