dimanche 26 novembre 2017

Florent Pagny - Le présent d'abord





Sa voix, j'adore. Ses textes me parlent tellement

UN PUZZLE 
Pour moi, un roman est un puzzle. Un puzzle dont la première pièce apparait parfois très longtemps avant l'écriture, parfois totalement à l'improviste mais toujours avec une certitude absolue : ça c'est à creuser, à retenir, à utiliser.
«Ça part d’une scène, généralement. Jusqu’ici, ça s’est passé comme ça. Il y a une scène que j’ai dans la tête, ou que j’ai notée, mais toujours très longtemps avant, plusieurs années avant de commencer le livre, quelquefois. Elle sert un peu de matrice au roman. Elle n’a rien à voir avec ce qu’il deviendra, elle est très arbitraire mais c’est un point de départ. Au bout du compte elle ne se retrouvera pas dans le livre, ou elle sera méconnaissable: ce ne sera ni le même lieu ni la même époque ni les mêmes personnages. Il s’y passera tout à fait autre chose. Mais c’est cette scène qui sert de déclencheur, de démarreur. Il y a ça, et puis toute une série de choses qui s’accumulent, des idées de personnages, des descriptions, des bouts de dialogues. Quand j’ai l’impression d’avoir suffisamment de repères, et que tout ça commence à s’organiser, le livre peut commencer. La première phrase, je m’en occupe quand il faut commencer. Elle finit par s’imposer plus ou moins. C’est un peu comme une pièce de puzzle, encore une fois.»
Jean Echenoz Entretiens avec André Rollin, Mazarine
QUATRIÈME DE COUVERTURE
Bon alors, vous avez écrit votre roman. Vous avez trouvé un éditeur ou décidé de vous éditer vous-même. Le titre a été choisi et la couverture aussi. Reste ... la quatrième de couverture. Vous savez ce petit texte au dos du livre. 
Quel est son but? Très clairement : donner envie d'ouvrir le livre. Créer le désir. Mais pas n'importe comment; il ne faut pas tromper le lecteur par une accroche mensongère; le petit texte doit ressembler à ce que le lecteur trouvera dans le roman lui-même.
C'est pourquoi normalement, c'est l'éditeur qui doit se charger de la rédaction de ce texte : difficile d'être à la fois acteur et spectateur. Écrivain et lecteur. Il faut une distance par rapport au livre et il est souvent difficile à un auteur de passer du côté du lecteur.
C'est pour ça qu'il vaut mieux éviter d'accepter de jouer vous-même ce rôle même si si on vous le demande. À la rigueur, faire un petit résumé de votre livre peut s'avérer un exercice intéressant pour vous, pour mieux comprendre où se trouve l'essentiel mais pour le côté accrocheur, vendeur ... la chose est plus délicate. Rester dans le ton tout en donnant envie : pas si simple.
Alors mon conseil : si le texte proposé par votre éditeur est inexistant ou ne vous convient pas, plutôt que d'essayer de le faire vous-même, demandez à l'un de vos plus fidèles lecteurs de le faire pour vous. L'un de ceux qui sont assez proches de vous pour vous lire avec plaisir et qui vous apprécient assez pour vous dire la vérité et qui sauront transmettre l'envie de lire votre œuvre.
Conseils d'écriture
Communauté

mardi 21 novembre 2017

LE TITRE
Comment choisir le titre de votre livre? Pour moi, la question serait déjà quand? En effet, j'ai constaté que je commence toujours par donner à mes nouveaux romans le nom du personnage principal, histoire de pouvoir retrouver le fichier dans l'ordi mais en sachant très bien qu'il me faudra en changer à un moment donné. 
Je crois que comme pour le reste, il faut se laisser guider par l'intuition et ne rien forcer. Au départ, on choisit un ou des personnages dans une situation et on imagine ce qui pourrait arriver après. Quand l'histoire est assez avancée, le titre s'impose de lui-même; il suffit d'admettre quel est le véritable sujet du livre : son élément déclencheur.

Pour mon premier livre c'était la rencontre entre Nikolaï et Vania mais ce qui était également fondamental c'était que l'on comprenne tout de suite que ces deux personnages venaient de deux classes sociales totalement opposées ET que ça se passait en Russie. D'où Le barine et le moujik. 
Dans le deuxième roman de la saga, le moteur du livre, celui qui fait le lien entre les autres personnages et qui fait vraiment avancer l'histoire c'est Igor d'où ... Le destin d'Igor.
Dans le troisième, je m'étais lancé un défi, raconter la suite des aventures de mes deux familles mais à travers trois nouveaux personnages et là l'idée s'est imposée dès le départ; il devait y avoir un lien entre eux : le moment où ils avaient fait la connaissance des "familles". Une nuit. La nuit de leur destin. 
Dans le quatrième, c'est la découverte de la Russie par l'héroïne qui fait avancer l'histoire et donc le titre devait faire allusion à ce qui l'y entraine : une lettre. La lettre de Russie. 
Un autre critère important pour le choix du titre à part le fait qu'il doit être lié à l'élément moteur du roman, c'est qu'il doit être en accord avec la couverture. Il me semble important que le lecteur capte tout de suite en lisant le titre et en regardant la couverture dans quel univers on veut l'entrainer. Ce qui l'amènera peut-être à lire la quatrième de couverture (dont nous parlerons une autre fois ) qui constitue généralement le déclencheur n°1 d'achat avec la lecture éventuelle des premières pages. 
Pour finir, en tant que lectrice cette fois, j'avoue chercher soit les livres d'un auteur précis et dans ce cas peu importe le titre, soit un type de roman, historique par exemple et donc attendre un indice dans le titre concernant l'époque, soit être prête à me laisser surprendre et là, certains titres très originaux fonctionnent à merveille, ceux de Katerine Pancol par exemple. 
Pour illustrer le tout, le plus beau livre que j'aie jamais lu : Don Quichotte. Dont le vrai titre est : L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche
CHAPITRE OR NOT CHAPITRE ?
Oh que oui ! Même chose que pour les paragraphes. J'ai toujours pensé que ce qui donnait envie à un lecteur de poursuivre plus avant, c'était l'idée que
1°: il retrouverait facilement sa page en s'arrêtant à la fin d'un chapitre
2° il se repérerait mieux dans le livre surtout si les chapitres ont un TITRE
3°il aurait une raison de lire quelques pages de plus pour ne pas laisser sa lecture en plein milieu d'un chapitre

Évidemment, les chapitres doivent être un peu réfléchis et former un ensemble.Se centrer sur une action ou un moment. Il faut l'articuler autour d'une situation de départ au début et finir en montrant où l'on en est, ce qui a été fait et ce qui reste à faire, quelles sont les nouvelles perspectives ...
Ça créé un rythme et pour moi, c'est fondamental.
Pourtant, je reste modeste parce que le meilleur contre-exemple à ce que je suis en train de dire est À la recherche du temps perdu de Proust. Une œuvre que je VÉNÈRE totalement.


ENVIE DE PARTAGE : UN AUTRE SOUVENIR 
LES PISSENLITS

Il existe un petit paradis, en dehors de la ville. Il suffit de suivre la rue dans laquelle habite Chantal. Bientôt les maisons s’espacent avant de disparaître pour laisser la place aux champs. Aux jardins aussi. A celui du grand-père de Chantal entre autres. Et à ses pissenlits. 
Oui, bon, il ne faudrait tout de même pas croire qu’il les cultive ! Ce qu’il y a c’est qu’Aurélie et son amie Chantal sont un peu spéciales. Au lieu de s’intéresser aux fleurs qui ornent les parterres, les deux filles n’ont d’yeux que pour les pissenlits. 
Elles sont en 5° et pas encore submergées par le travail scolaire et peuvent donc passer de longues heures à s’amuser. Souvent leur samedi après-midi se passe en balades, ou bien encore à se déguiser avec les petites merveilles que la mère de Chantal entasse depuis des années. Et surtout, elles parlent. De tout, de rien. Elles ont toujours quelque chose à se raconter. Entre elles, c’est une histoire d’amitié intense. Exclusive parfois comme le sont souvent les amitiés adolescentes.
Mais ce qu’elles préfèrent ce sont les sorties au jardin de Pépé Lucien comme elles disent. Elles suivent une sorte de rituel ; d’abord, le rendez-vous à la Porte Châlon, l’orgueil Saint-Maixentais, ensuite le passage chez Chantal pour prévenir et prendre le dessert, la route après, suivie du petit chemin précédant la grille en fer forgé. Au croisement, une étape importante : l’escalade du châtaignier. O-bli-ga-toi-re. 
Une fois la grille poussée, le petit paradis se dévoile. Les allées ne sont pas bêtement droites, elles serpentent entre les parterres fleuris et les légumes. Des peupliers s’élèvent contre le mur du fond, bruissant au moindre vent. Pépé Lucien est un écologiste avant l’heure, un poète ou bien … un fainéant : dans les allées, l’herbe pousse à loisir. Et les pissenlits.
Leur truc à Chantal et à Aurélie, c’est de tremper leurs tiges dans de l’eau puis de les regarder se déformer. Les petits brins se tordent en d’improbables arabesques, grimaçantes figures qui deviennent les objets d’un étrange concours. A chaque fois, elles trient, sélectionnent, finissent par élire les trois plus beaux qui finiront exposés dans leur petit musée. Ephémère gloire détruite au début de la visite suivante. Impitoyable loi à la fois du jeu et de la nature !
Amusements d’enfants. Elles ont douze ans. Et vont découvrir lors d’une de ces visites au jardin de Pépé Lucien qu’il y a peut-être d’autres jeux tout aussi drôles. Au collège, les classes sont mixtes et des garçons les deux filles ont l’habitude d’en voir tous les jours mais elles ont un peu de mal à les supporter. De toute façon, on dirait qu’il y a deux mondes : celui des filles et celui des garçons. Deux mondes étrangers l’un à l’autre. Beaucoup de rires de part et d’autre. De plaisanteries. De malaise aussi. En ce qui concerne Aurélie, le malaise s’intensifie quand Patrick apparaît.
Patrick et Hélène plus exactement. Chantal aussi a la même impression ; ces deux-là ils ont l’air collés l’un à l’autre. Ridicules pots de colle. Ombres mutuelles qui hantent les couloirs. Oh, les amoureux ! Oh, les amoureux ! La petite chanson tourne dans les têtes : c’est vrai qu’ils paraissent bêtes les amoureux ! Agaçants aussi. Déstabilisants. Surtout quand on se laisse comme Aurélie aller à être honnête avec soi-même et que l’on reconnait que ce ne serait pas si désagréable que ça d’être à la place d’Hélène. 
C’est vrai que si on le regarde bien, Patrick est plutôt intéressant, que ses yeux marron clair sont … Soudain furieuse contre elle-même, sans bien en comprendre la raison, Aurélie a réagi en se moquant. Prenant à témoin Chantal, elle a dressé un portrait mordant de l’amour adolescent. Elle a même réussi à persuader son amie de dessiner sur le chemin du retour des cœurs avec les initiales des deux amoureux. Comme ça, tous ceux qui passeront par là sauront à quel point ces deux-là sont ridicules. 
Oui, le jeu est drôle : dessiner des petits cœurs et la ridicule petite flèche qui les transperce invariablement est amusant et imaginer un de leurs camarades passant par là et reconnaissant les initiales les transforme en complices d’une farce universelle. Elles en rajoutent, décrivant en même temps, les regards langoureux, les soupirs incessants et l’aspect de bovins abrutis. 
Il est rassurant de se moquer, ça évite la tentation de la ressemblance. La complicité entre filles éloigne le fantôme du garçon, le spectre de la sexualité, la possibilité de l’amour. Elles rient toutes les deux à perdre haleine, parties de nouveau dans un de leurs délires habituels quand …
Au loin, deux silhouettes. Collées l’une à l’autre. Enlacées. Deux amoureux. Non ! Impossible ! Vite, elles arrêtent leurs dessins. Se mettent à courir pour s’en éloigner. Ne peuvent pourtant pas éviter la rencontre. Feignent l’indifférence. Saluent rapidement avant de s’éloigner encore plus vite. Rouges de honte.
« Alors, tu t’es bien amusé, hier ? » Le lendemain, Aurélie devra affronter seule Patrick, croisé par hasard entre deux cours. Sans Hélène. Pas l’ombre d’un reproche dans la voix du garçon. Juste de l’amusement. Elle se perd dans l’ambre des yeux marron. Il y a tant de chaleur dans ce regard. Une chaleur contagieuse. Une douce chaleur qui s’infiltre au plus profond d’elle-même. Dans sa conscience, quelque chose de nouveau vient d’affleurer. Quelque chose d’intense qui semble faire perdre par contrecoup toute saveur au reste. A ce qui faisait sa vie jusqu’à présent. Comme les pissenlits semblent fades maintenant.


LE PARAGRAPHE
Vous pensez qu'un roman s'écrit avec des phrases ? Faux; il s'écrit avec des PARAGRAPHES. Sans rire, je peux pratiquement toujours dire en feuilletant un roman s'il me sera facile de le lire ou non. Un texte aéré, des paragraphes bien construits et les pages défileront jusqu'au mot FIN.
Voyons un peu le côté officiel:
Un paragraphe est une section de texte en prose vouée au développement d’un point particulier souvent au moyen de plusieurs phrases, dans la continuité du précédent et du suivant.
Il sert à marquer un changement avec un déplacement dans le temps, dans l’espace, un changement de personnage, ou bien un changement de type d’énonciation : on passe alors d’un type de texte à l’autre entre narration, description, explication, argumentation ou dialogue.
Le paragraphe doit comporter une unité de sujet : cela peut être la description d’un personnage, la description d’une action, la description d’un lieu, la description d’une pensée.
Que ce soit un point de vue, un endroit, une idée, moi, ce que je retiens, c'est qu'à chaque fois que je sens que j'ai quelque chose de nouveau à développer : je change de paragraphe ! En prenant soin de rebondir sur l'un des derniers mots du paragraphe précédent.
Essayez, regardez votre texte et observez seulement sa présentation et ensuite prenez vos ciseaux imaginaires (vous savez, cette petite touche si sympa à droite) et ... coupez ! Aérez ! Élaguez ! Formez vos paragraphes !

jeudi 16 novembre 2017

ET SI ON PARLAIT ... DE DIALOGUES 


Pas de dialogue pour faire joli, pour meubler, parce que ça se fait …
Vous devez écrire des dialogues si cela vous semble naturel à ce moment-là

Pas de dialogues sans intérêt et sans style, juste parce que les personnages sont censés discuter 
Pas d’invraisemblances : les personnages doivent s’exprimer conformément à leur statut social et à leur âge.
Pas de verbes du genre « dit-il », « précisa-t-il », « répliqua-t-elle », « ajouta-t-il » … ils ne font, au mieux que retarder la lecture et, au pire énerver le lecteur. 
Pas de prénoms à tout bout de champ, le lecteur n’est pas idiot et comprend facilement qui s’exprime grâce à quelques petits tics linguistiques ou à des dialogues courts et faciles à suivre interrompus par quelques lignes qui permettent, en montrant ce que fait l’un des personnages tout en parlant, de relancer la conversation en informant au passage le lecteur de qui vient de reprendre la parole.
Pas de dialogues interminables: le lecteur veut suivre une histoire pas entendre des gens en parler
ET SURTOUT : LISEZ-LES À HAUTE VOIX. ENCORE ET ENCORE. JUSQU’À ÇA SONNE JUSTE.
LES DESCRIPTIONS


Bon, ça y est nous sommes partis et là, un de nos personnages se trouve dans un endroit précis et nous sentons clairement que dire "il entra dans l'auberge" ne saurait être suffisant.
En même temps nous avons tous en tête ces interminables descriptions que nous sautions allègrement chez Balzac ou Zola sans oser l'avouer bien entendu parce que trop c'est trop et que ce qui nous intéressait c'était l'histoire. 
D'un autre côté, franchement si je vous diS Jane Eyre, je suis sure que ce n'est pas l'histoire qui va venir la première à votre esprit mais bien l'ambiance, le décor, les paysages, l'intérieur du manoir ... les descriptions.
Alors, me direz-vous: on la fait courte ou bien ...? Moi, je dirais : on la fait cinématographique. De même que pour les dialogues, je préconise une lecture à voix haute suivie d'autant de modifications que nécessaire jusqu'à ce que "ça sonne juste", pour les descriptions, je conseille le zoom. Le détail. Les quelques détails qui me viennent en premier à l'esprit. 
Trop tueraient l'imagination du lecteur en lui imposant trop la mienne. Trop peu le laisseraient perdu dans le vague. Écrire est un acte de télépathie dit Stephen King et il a raison; ce qui nait dans l'imagination de l'écrivain doit poursuivre son chemin dans celle du lecteur. 
Il faut donc créer un pont. Juste un pont. Tendre une main pour attirer dans notre univers et c'est tout. 
Plus de concret? Reprenons l'auberge. Russe. Au XVIIe siècle. Pour moi, c'est comme ça. Alors, je me dis :
1 - Les portes sont basses pour préserver la chaleur
2- ça doit être enfumé en permanence
3 - Le bois des rondins des murs doit être usé à force avec le frottement des dos des voyageurs
Voilà ce que ça donne dans le premier de mes livres :
"La porte était basse comme celle des isbas de paysans afin d'en préserver la chaleur en hiver et la fraîcheur en été. En entrant, Vania remarqua que les murs étaient noircis à la fois par les chandelles de suif qui brûlaient pratiquement en permanence et par le frottement répété des dos fatigués qui s'y appuyaient jour après jour. Mais, l'important n'était pas là; un feu brûlait dans la cheminée créant une douce chaleur dans la pièce et il commença à se détendre."
Et c'est tout parce que dans ce passage, Vania remplace son maître pour la première fois et voyage à sa place; il n'a jamais mis les pieds dans une auberge et est anxieux de bien faire. L'auberge va s'avérer un endroit fondamental pour lui puisqu'il va y rencontrer celle qui deviendra sa femme.
Donner plus de détails, en décrivant les tables et les bancs, la place de l'escalier menant aux chambres, l'odeur des plats, le nombre de servantes ou la tête du propriétaire n'auraient fait qu'agacer le lecteur et le pousser à lâcher le livre. 
Faire s'installer Vania directement à une table n'aurait pas permis la transition entre son monde du voyage, de la représentation et celui de l'intimité possible avec celle qui va s'approcher. Vania entre dans un monde qui ressemble au sien, celui des paysans, mais en même temps il commence à se détendre grâce au feu. 
Racontez-vous votre histoire en lisant vos dialogues à haute voix et rêvez-la en l'imaginant transformée en film. J'essaie d'ouvrir chaque chapitre d'un roman par une courte description comme un zoom sur un personnage ( ou des personnages ) prêts à démarrer l'action et de clore le chapitre par un autre zoom sur une autre image qui montre à la fois ce qui a été accompli et sous-entend ce qui reste à faire.
L'ÉCRIVAIN EST UN ARCHÉOLOGUE



Je vous ai dit je crois que je lisais le livre de Stephen King : Écriture. Une expérience jubilatoire pour moi. Comme quand quelqu'un qui a toute l'autorité nécessaire pour dire quelque chose, dit exactement ce que vous essayiez d'expliquer à des gens qui vous prenaient de haut. Le genre "paf, dans tes dents !". Petit, certes, très petit et de toute façon , ces gens-là ne liront jamais cette page mais ... ça fait du bien quand même.
Quelles sont ces vérités ?
1- Si vous n'avez pas le temps de lire, vous n'avez pas celui d'écrire.
2 - Il faut écrire tous les jours
3- Ce n'est pas l'écrivain qui contrôle sa production, c'est le contraire
4 - La construction d'une INTRIGUE est INCOMPATIBLE avec la spontanéité de la CRÉATION
5 - Les HISTOIRES se fabriquent d'elles-mêmes
6 - Les histoires sont des RELIQUES, issues d'un travail PRÉEXISTANT; le travail de l'écrivain consiste à les extraire en les laissant aussi intactes que possible avec des outils délicats et non avec le marteau-piqueur de l'INTRIGUE. (ce passage m'a particulièrement troublée tant j'ai très souvent eu l'impression qu'une fois lancée, je ne faisais que mettre en pages, une histoire déjà écrite dans une autre dimension)
7- Il faut fonder les histoires sur une SITUATION et y confronter un ou des personnages. 
Voilà, c'est tout pour ce soir. Je vais me plonger dans le livre avec délices mais n'ayez crainte, j'ai encore beaucoup de choses à dire et à partager avec vous. Sur les paragraphes, les descriptions, les dialogues, la fin d'un livre, son titre provisoire et son titre définitif ...

samedi 11 novembre 2017

Un dernier petit mot pour aujourd'hui avant une soirée cinéma - je veux revoir une femme sous influence -et lecture avec les mémoires de Stephen King. 
Alors, voilà, vous avez fait le premier grand pas de géant : vous avez créé votre univers. Et vous allez vous lancer.
Un seul conseil : posez votre plume. Oui, bon, façon de parler: moi aussi, j'écris sur un ordinateur !
Et racontez-vous votre histoire, ou du moins la première scène, l'idée de départ, ce que vous voulez faire passer dans votre roman.
Imaginez un de vos amis en train de vous dire : " ça va parler de quoi, ton bouquin? " Croyez-moi si à ce stade-là, si vous n'êtes pas capable de lui dépeindre en trois ou quatre phrases la situation de départ... vous n'arriverez jamais à rien.
"Ce qui se comprend bien s'énonce clairement" dit-on ...
Puisque rien n'est plus parlant que les exemples, prenons le mien. Il se trouve que j'ai écrit ce que l'on peut appeler une saga : quatre bouquins de plus de 400 pages chacun, s'étalant sur à peu près 40 ans avec tous les personnages que les deux "héros" de départ ont pu être amenés à rencontrer. Et bien en commençant le premier livre, je n'avais aucune idée de tout cela mais je savais très précisément ce que je voulais décrire. Voici ce que j'aurais dit :
"Ça se passe en Russie, à l'époque des Tsars; un prince de sang royal a été exilé sur l'une de ses terres pour avoir une chance d'arrêter de se détruire et il s'y ennuie à mourir quand une nuit il trouve un moujik en fuite en train de lui voler une poule. Le prince pourrait tuer l'homme sans être inquiété, au lieu de ça, il choisit de sauver l'homme en faisant de lui son intendant. En fait, les deux hommes apprennent chacun l'un de l'autre, ils commencent à se comprendre et finissent par devenir de vrais amis. Ce que je veux faire avec ce roman, c'est montrer la puissance de l'amitié, de la bienveillance, le fait qu'il suffit parfois d'un geste pour changer toute une vie et qu'en aidant les autres on s'aide souvent soi-même".
Comment passe-t-on de ça à une saga ? Tout simplement parce qu'on s'attache tellement aux personnages qu'on ne veut plus les quitter !
Conseils d'écriture
Communauté
JE SUIS UN JARDINIER. Vous l'aurez compris dans la distinction que George R.R. Martin fait entre les écrivains-architectes et les écrivains-jardiniers, il se range très clairement dans la seconde catégorie.
"Il m’arrive de me surprendre moi-même. De nombreux romanciers ont un rapport quasi mystique à l’écriture. Celle-ci permet en effet de libérer des forces créatrices qui n’ont pas grand-chose à voir avec la partie analytique du cerveau, indispensable, elle, à la structuration de l’ouvrage. Je ne suis pas toujours totalement maître du processus. Parfois, les idées viennent du plus profond de moi-même. Je tâche alors de les creuser pour voir où elles me mènent. Quand j’aboutis à une impasse, je suis contraint de faire marche arrière. Ce n’est peut-être pas la manière la plus efficace de progresser, mais selon moi, c’est celle qui permet d’obtenir le meilleur résultat."
MOI AUSSI !!!
En toute modestie, hein? 😂J'aimerais bien être aussi douée et célèbre que lui mais bon ...
En ce qui me concerne après avoir décidé de l'univers du roman- une étape nettement plus simple quand on choisit comme moi toujours le même😉 -je choisis la situation de départ, celle que j'ai envie de voir évoluer et je laisse partir l'histoire ...
Par la suite, comme le dit mon "confrère", les idées viennent du plus profond de moi-même, comme si quelqu'un me les dictait. Et des choses bizarres se passent; par exemple, un des personnages de ma saga ne devait apparaitre que dans un chapitre du deuxième livre Le destin d'Igor, juste pour montrer à quel point l'un des deux piliers de l'histoire était un homme généreux et bien ... il m'est devenu impossible de m'en débarrasser, de juste le laisser là, comme précepteur des enfants de Vania, je me suis sentie obligée de l'inclure dans les anecdotes qui arrivaient à la famille puis il est vite devenu indispensable à l'histoire tant d'autres personnages dépendaient de lui. À tel point qu'on le retrouve dans le dernier livre où il est le père de l'héroïne.
Alors si vous êtes du genre architecte : faîtes comme ce que vous recommande cette blogueuse.
"Vous l’aurez compris désormais : en écriture, je suis une planner (en VO, une architecte). Autrement dit, j’ai besoin de planifier mon texte de A à Z pour me sentir à l’aise et commencer à écrire. Non seulement cette méthode me permet d’être bien dans mon écriture mais elle me facilite grandement la vie lors de la phase de réécriture / relecture.
Dans cet article, je vais vous montrer comment faire le plan de son roman à partir de votre synopsis et/ou des éléments d’intrigue que vous avez en votre possession.
*****
Pré-requis : Le rôle de la scène
Avant de vous parler du tableau de scènes que j’utilise, il me semble essentiel de vous parler de la forme d’une scène.
Une scène a un début, un milieu et une fin. Le plus souvent, elle se déroule avec une unité de temps et de lieu mais cela n’est pas obligatoire : une scène peut aussi avoir une unité de thème. Par exemple, pour faire vieillir un personnage en accéléré, vous pouvez montrer dans une même scène son rapport à sa mère à 3, 8, 12 et 18 ans.
Toute la difficulté d’écriture d’une scène réside en votre capacité à commencer et à vous arrêter au bon endroit.
Un roman est composé de parties, elles-mêmes composées de chapitres, eux-mêmes composés de scènes (elles-mêmes composées de paragraphes).
La notion de conflit
Une scène ne peut se penser sans conflit. Vous avez peut-être déjà entendu cette idée. Mais savez-vous exactement ce qu’elle implique ?
Dans la notion de conflit, il est important de comprendre que le conflit n’a pas à être violent. Un conflit peut être interne (votre personnage se pose des questions), il peut être entre deux personnages (une discussion, une révélation, une dispute), il peut être entre deux groupes, entre un individu et une organisation.
En gros, une scène ne doit pas être là pour être là. Si vous êtes en phase de transition entre deux événements importants, vous devez continuer à tenir votre lecteur en haleine en lui donnant du grain à moudre. Dans une série télévisée, une saison tente de répondre à une grande question, mais chaque épisode contient sa propre interrogation : c’est ce qu’il faut réussir à faire dans vos scènes pour maintenir votre lecteur dans l’attente et le questionnement.
Si je travaille essentiellement à partir de Scrivener (j’ai décidé d’utiliser Scribbook pour ce roman qui a des fonctionnalités très proches), cela ne m’empêche pas de travailler à partir d’un tableau Numbers (l’équivalent d’Excel sur Mac) 

#2 Faire la liste des événements
Commencez par faire la liste des événements que vous envisagez pour votre roman et organisez-la dans l’ordre chronologique.
Si vous envisagez de ne pas raconter votre histoire dans l’ordre chronologique, n’hésitez pas à écrire vos événements deux fois : une fois dans l’ordre chronologique et une fois dans l’ordre où vous les aborderez dans votre roman. C’est une technique pratique pour s’y retrouver si votre récit est complexe.
#3 Faire la liste des scènes
Au delà des événements et des rebondissements de votre roman, vous avez peut-être des scènes qui s’agitent déjà dans votre tête. Cela peut-être le baiser de vos deux protagonistes principaux ou la dispute entre votre personnage principal et son père… Toujours est-il que vous devez les noter quelque part.
Insérez-les dans votre liste d’événements précédemment réalisée.
#4 Réfléchir sur papier
Si vous êtes comme moi, il reste des moments de flou : des événements que vous n’avez pas encore découpés en scènes et des transitions d’un événement à l’autre que vous ne savez pas encore comment réaliser. Il va désormais être le moment de brainstormer un peu Voici plusieurs axes qui vont vous permettre d’avancer et de trouver des scènes à ajouter.
Le développement de vos personnages
Comment pouvez-vous les développer ? Quelle situation permettra-t-elle le mieux de faire ressortir leur caractère ? Pouvez-vous l’utiliser dans votre récit ? Quelles relations partagent vos personnages ? Comment les développer ?
Si vous aurez besoin de développer vos personnages au tout début de votre livre, il est possible que vous ayez aussi besoin d’écrire des scènes de développement tout au long de votre livre, à chaque arrivée d’un nouveau personnage qui a une certaine importance.
Le développement de vos lieux
Un nouveau lieu entre dans votre histoire et vous voulez lui donner une véritable existence ? Comment le rendre vivant ? Une scène qui lui est dédiée peut-être utile.
Prenez Paris. Si votre personnage a toujours vu Paris comme la ville de l’Amour, sa déception peut être exceptionnelle quand il réalise que c’est aussi la ville du métro sale et des mendiants : cela peut donner lieu à une scène. Et si c’est un roman initiatique, il peut réaliser, à la fin du roman, dans une autre scène, que Paris est aussi le lieu du métissage et de la liberté.
Faire des scènes qui se répondent dans votre roman est un bon moyen de montrer comment évolue votre personnage. Ce conseil est à utiliser avec modération : attention au discours moralisateur, aux clichés et à l’impression de déjà-vu qui peut être néfaste à votre histoire.
Le développement de votre thème
Pour mon roman, j’ai décidé de partir sur un thème très féministe. Les solutions pour développer ce thème sont infinies : montrer un cours d’Histoire où les femmes sont presque gommées, montrer le harcèlement de rue… Tous ces éléments peuvent donner du corps et de la profondeur à votre roman.
A nouveau, il faut éviter d’être trop insistant au risque d’être barbant. Ne prenez pas votre lecteur pour votre idiot ! Il comprend vite ! Instillez délicatement ces éléments dans vos intrigues secondaires.
Le développement de vos intrigues secondaires
Vous avez décidé de mettre des quêtes annexes ou des histoires parallèles à celle de votre héros : des scènes doivent traiter de ces intrigues.
#6 Remplir le tableau
Ce travail doit désormais vous permettre d’arriver à avoir une liste de scènes presque complète. Le but est désormais de mettre l’ensemble au propre. C’est à ce moment là qu’intervient mon joli petit tableau. Remplissez-le.
Pour chaque scène, en plus du résumé, mon tableau propose d’ajouter :
Les personnages
Le lieu
La date
Le conflit
Les informations autres
Le nombre de mots à écrire
mon-tableau-de-scenes
#7 Rééquilibrer
Essayez de rassembler chaque petit groupe de scènes en une entité : les chapitres. Dans le tableau, vous remarquerez que j’ai construit deux colonnes avant la liste des scènes : il permet de donner un numéro de chapitre et un nom de chapitre à chaque ensemble.
Vous remarquerez aussi que j’ai créé des lignes qui s’appellent « Evénement perturbateur », « Péripétie 1 », « Péripétie 2 », « Climax »… Si votre récit se comporte comme la plupart des récits existants, ces éléments devraient se retrouver dans votre roman.
mon-tableau-de-scenes-2
Placez les par rapport à vos scènes : si votre Climax tombe au milieu du roman et que la plupart des scènes permettent de clôturer l’intrigue, c’est que votre intrigue est bancale. De même, si votre situation initiale prend les trois-quart du roman : il y a un problème. Rééquilibrez !
#8 Imprimez, relire et modifier
L’ordinateur est pour moi un outil de mise en forme : pour créer un joli rendu, c’est bien. Pour réfléchir, beaucoup moins.
C’est pourquoi j’aime imprimer et vérifier directement sur papier, stylo en main.
Si vous ajoutez des éléments, reportez ensuite les modifications dans votre tableau. Cela vous permettra d’avoir un beau tableau qui vous accompagnera durant la rédaction de votre roman… Voilà vous avez terminé le plan de votre roman 
Deux astuces pour finir
Eviter de paniquer
Si vous êtes du style à aimer avoir un plan mais à en sortir régulièrement quand vous écrivez, il est possible de ne commencer par planifier de la sorte seulement vos trois premiers chapitres. Cela vous permet d’avoir une trame pour le début de votre histoire. Puis, quand les trois premiers chapitres sont écrits et que vous êtes plus proches de vos personnages, vous pouvez recommencer ce travail de planification pour les cinq prochaines chapitres… et ainsi de suite. Ainsi, vous êtes très cadré mais vous avez une marge de liberté qui ne vous enserre pas de trop "
Par ailleurs, sachez que votre tableau, bien qu’il soit tout beau sur votre ordinateur, n’a pas à être figé : vous pouvez tout à fait le modifier s’il ne colle pas à l’histoire que vous écrivez. Le tableau est un cadre : à vous de juger si votre histoire vaut le coup de déborder… ou si vous vous êtes enflammé et que vous feriez mieux de revenir dans les clous.
Utiliser ce tableau pour écrire plus vite
Je vais vous livrer ici ma méthode pour écrire partout. Que vous fassiez le Nanowrimo ou que vous ayez l’obligation de jongler et d’écrire une dizaine de minutes par jour, cette technique pourrait vous aider. Cette technique fonctionne quel que soit votre logiciel d’écriture préféré.
Créer la structure de votre roman
Commencez par créer la structure de votre roman à partir de votre plan.
Avec Word / Pages / Libre Office : créez un fichier Manuscrit V1 puis un fichier pour chaque chapitre. À l’intérieur, créez autant de fichiers Word que vous avez de scènes dans chaque chapitre. Collez dans ces fichiers le résumé de votre scène.
organiser-son-roman
Avec Scribbook et Scrivener : créez un nouveau projet puis un fichier Manuscrit V1. Dans ce fichier, créez un dossier pour chaque chapitre. À l’intérieur, créez autant de fichiers texte que vous avez de scènes dans chaque chapitre. Collez dans ces fichiers texte le résumé de chacune de vos scènes.
organiser-mon-roman-sur-scribbook
Transporter votre roman avec vous
Si vous êtes chez vous, vous pourrez écrire directement dans les fichiers créés à l’étape précédente. Si vous êtes régulièrement en déplacements, en revanche, il va vous falloir trouver des alternatives pour vous permettre d’écrire à tout moment.
C’est pourquoi je recréée pour ma part l’ensemble des fichiers scènes dans Evernote (vous pouvez aussi utiliser OneNote), dans un carnet au nom de mon roman.
organiser-mon-roman-sur-evernote
Ainsi, je peux écrire hors connexion sur mon téléphone dans le métro, le train ou encore dans une salle d’attente. Cela demande un peu de temps de préparation mais cela me permet d’exploiter les moindres minutes que j’ai de libres. C’est une méthode efficace pour avancer si vous n’avez que quelques minutes à accorder à l’écriture dans votre emploi du temps."
VOUS AVEZ EU DU MAL À FINIR? VOUS VOUS ÊTES DIT QU'IL ÉTAIT IMPOSSIBLE DE PRÉVOIR TOUT ÇA AVANT MÊME D'AVOIR ÉCRIT UNE SEULE LIGNE?
ALORS ON EST BIEN D'ACCORD ET JE VOUS DONNE RENDEZ-VOUS DANS MON PROCHAIN ARTICLE ...
Conseils d'écriture
Communauté

mercredi 8 novembre 2017

LE TEMPS DES MIROIRS  
Les tilleuls embaumaient l'air de ce début Juin. Soudain submergés par cette odeur au parfum de nostalgie, les deux hommes pressèrent instinctivement le pas le long de l'allée qui menait à la maison de leur enfance. Nichée tout au fond de l'écrin de verdure du parc, semblant chauffer ses vieilles pierres au soleil couchant, la bâtisse les attendait depuis toujours. Les fenêtres et les portes en bois, l'harmonie de la façade et la glycine qui courait au dessus du seuil ; tout contribuait à donner à l'endroit ce charme et même cette magie si particulière dont tous deux se souvenaient. Le parc et la maison elle-même avaient souvent retenti de leurs rires d'enfants turbulents et joyeux mais c'était bien la voix d'Olaya qui s'élevait à travers le temps dans l'esprit des deux cousins. Claire et cascadant comme une eau vive au rythme des « r » auxquels ses origines espagnoles donnaient une vie particulière, elle ponctuait leurs journées de vacances chaque été, depuis son lumineux et souriant accueil matinal jusqu'à l'appel précédant le repas du soir. 
     « Baptiste ! Raphaël ! Où êtes-vous ? Il est l'heure. »
     Avec Olaya, il était toujours l'heure. L'heure de se lever, l'heure de manger mais aussi et surtout l'heure de venir voir, découvrir, apprendre … Le temps semblait suspendre son vol, comme éclaté en mille petites bulles de bonheur : petits bijoux ciselés par le souffle de l'instant. La porte venait de céder sous leurs efforts conjugués ; le bois que l'humidité de l'hiver avait tendu protesta faiblement. Simplement pour la forme leur sembla-t-il; comme si la maison venait de les reconnaître et d'accepter leur présence. La fraicheur du dallage de losanges blancs et noirs les mena comme autrefois à la cuisine où la longue table de bois leur parut bien vide. Olaya s'en était allée et avec elle les pommes et les poires du jardin, les confitures et les tas de légumes fièrement alignés en attente de leur épluchage. Ils ressortirent sans s'attarder, bien conscients que le supplément d'âme qu'ils cherchaient ne se cachaient dans aucun des tiroirs de la pièce. Olaya avait été précise dans son testament; le trésor se trouvait au grenier. Quelque chose leur disait qu'il y avait quand même là une certaine logique et que c'était bien parmi l'amas d'objets hétéroclites amoncelés là-haut que se trouvaient la plupart de leurs découvertes d'enfants. Alors, une dernière fois …
     L'escalier grinça et craqua tout comme dans leurs souvenirs et la trompeuse caresse de sa rampe imprima de nouvelles petites griffures à leurs mains imprudentes et oublieuses. La clanche à peine  enfoncée, la porte s'effaça sans un bruit. Surpris par tant de coopération soudaine, Baptiste et Raphaël se tinrent un instant sur le seuil. Retenant leur souffle, comme pris d'une timidité soudaine, ils demeurèrent quelques instants à observer le paradis qu'ils croyaient perdu. Une longue poutre le traversait de part en part soutenue en son centre par une autre plus massive. Autour de cette base s'articulait un petit réseau qui permettait aux planches assemblées au dessus de maintenir les tuiles du toit en une pente harmonieuse qui rejoignait le parquet des deux côtés. Dans la partie la plus éloignée, les rayons du soleil tombant par une petite fenêtre jouaient avec les bocaux de confiture créant un kaléidoscope multicolore. Si l’oeil était ainsi charmé, le nez n’avait rien à lui envier : dans toute la pièce flottait l’odeur douce et sucré du tilleul en train de sécher. 
     «Tu te souviens de l’odeur des draps? Abuelita les étendait là-bas, de l’autre côté. Quand je repense à toutes ces années, c’est ce qui revient en premier : l’odeur de tilleul et de linge propre.»
     Raphaël sembla sortir du long rêve dans lequel l’avait plongé son entrée dans la pièce. 
     « Abuelita … Elle adorait qu’on l’appelle comme ça. Plus jamais …
     - Raf, on était d’accord: elle n’aurait pas voulu, tu sais bien.
     - Oui, tu as raison. Allez, viens, c’est parti : je déclare la chasse au trésor ouverte !
     - Attends, qui dit chasse au trésor dit carte.»
     Joignant le geste à la parole Baptiste sortit de la poche de sa veste un papier plié en quatre avant de l’ouvrir délicatement. 
     «Une carte? Pas vraiment: deux énigmes plutôt.»
     Raphaël venait de s’emparer du papier que leur avait confié le notaire deux semaines auparavant. Olaya ne s’était jamais fait la moindre illusion sur le sort qui serait réservé à sa maison; ses enfants la vendraient tout simplement parce que leur vie était désormais ailleurs. Et aucun de ses petit-enfants ne pourrait se permettre de la prendre en charge. Par contre, elle avait tenu à faire un testament dans les règles de l'art et avait mis tout son cœur pour trouver ce qui convenait le mieux à chacun, ce qui serait à la fois un souvenir d'elle et d'un passé commun mais aussi un message. Sur le papier qui tremblait légèrement entre les mains de Raphaël courait l'écriture fine, déliée, délicate de la vieille femme: ses instructions pour leur permettre d'entrer en possession de ce qu'elle avait réservé pour eux. Pourquoi sous cette forme-là? Les deux cousins ne s'étaient pas posé la question bien longtemps; leur grand-mère connaissait parfaitement leur goût pour le romanesque.
    «Dans l'odeur sagement rangée tu trouveras ton épée». L'énigme ne posa aucun problème à Baptiste et le fleuret de l'arrière grand-père qui l'avait tant de fois transformé en d'Artagnan apparut rapidement entre les piles de vieux draps pliés et oubliés dans le buffet bas depuis la mort d'Olaya. Raphaël, lui, restait pensif. Baptiste s'empara du papier et lut ce qui intriguait tant son cousin: « Si connaître la vérité t'importe, enfin il te faut ouvrir la porte».
   -C'est une blague ou quoi? Abuelita veut que tu démontes la porte? Une idée de déco ...
     Pour toute réponse, Raphaël lui désigna le fond de la pièce: un drap recouvrait ce qui semblait être un miroir. Baptiste s'avançait déjà, curieux, quand Raphaël arrêta son geste. 
     -Raf, qu'est-ce qui se passe? Je m'en souviens de ce miroir, il n'est pas très beau mais quand même, ça te fera un souvenir.
   -Je ne l'ai jamais aimé, il me faisait peur autant qu'il me fascinait. Et Abuelita le savait. Tu ne te souviens pas de ce qu'elle disait? Que l'âme des morts s'y trouve piégée. Que c'est pour ça qu'il faut couvrir les miroirs quand quelqu'un meurt.
   -N'importe quoi! Jamais personne n'est mort dans cette maison. Il n'y a eu que des naissances. Dont la tienne. Une des histoires préférées d'Olaya.
   -Je ne sais pas, j'ai toujours eu un sentiment bizarre en passant devant ce miroir comme si c'était lui qui me regardait. Comme si quelqu'un m'y attendait. 
    - Oui, tout à fait. Regarde, ils sont même deux.
    Cette fois, Raphaël n'avait pas été assez rapide; le drap gisait à terre et Baptiste lui souriait maintenant depuis l'autre monde. Son compère par contre … 
   -OK, Raf, l'idée d'Abuelita ne te plaît pas. Ecoute, réfléchis deux secondes, et après on s'en va. Juste le temps que je regarde dans les draps où j'ai trouvé le fleuret; dans mes souvenirs, il y avait un fourreau avec.
    A peine le temps de finir sa phrase, Baptiste était déjà parti. Raphaël plongea enfin les yeux dans ceux qui lui faisaient face. 
   -Pas de fourreau, Raf, mais regarde ce que j'ai trouvé: les archives d'Olaya. Elle y a noté tous les événements marquants... D'ailleurs, il y avait un marque-page au jour de ta naissance. Il semblerait que ça ait été plus mouvementé que prévu: tu avais un jumeau, et … Raf?
    Le soleil se couchait déjà. Raf demeurait invisible. Enfin, une ombre émergea, semblant sortir du mur à côté du miroir.
-Tu m'as presque fait peur. On y va? Tu as décidé pour le miroir?
   La réponse fut éloquente: Raphaël venait de repositionner le drap. Quelques secondes plus tard la porte du grenier se refermait à tout jamais. Seul le miroir répondit à son grincement. D'un long cri silencieux.