vendredi 22 janvier 2016

LA GABACHINA CHAPITRE 4 : L’AEROPORT 



Je te regarde, assis juste en face de moi et pourtant si loin. Je te revois dans d’autres aéroports à travers le monde. Nous en avons fait des voyages toi et moi. Avant. Avant cette crise. Avant ce voyage dont je ne fais pas partie. Celui qui te pousse si loin de notre monde.
Je te revois glisser ta petite main dans la mienne au moment du décollage. J’ai toujours eu peur des décollages. Heureusement pas assez pour m’ôter l’envie de voyager mais quand même… Ta petite main, comme une assurance. Contre la peur. Contre la mort, presque. Ta petite main comme un gage d’aventure. 
Car comment vivre vraiment l’aventure sans personne avec qui la partager? Quoi de plus merveilleux par exemple que de réaliser mon rêve de visiter l’Egypte, né pendant les cours d’histoire de ma 6°, avec mon fils sur le point d’entrer lui-même en 6°? Quelle émotion que de voir mon propre émerveillement répercuté sur ton visage lorsque nous avons pénétré main dans la main dans la pyramide ! Quel bonheur, lors de notre premier voyage -tu avais trois ans- de voir les bateaux glisser sur le Bosphore tout en tenant ta petite main dans la mienne!
L’Espagne aussi, nous l’avons vécue ensemble. Deux fois. Pourtant, tu n’as rien ressenti. Ni à quatre ans ni à douze ans. L’Espagne ne parle qu’à moi. L’Espagne des montagnes de Covadonga et celle des plages de Ribadesella. Les Asturies, toujours. Mon ancrage. Mon ailleurs. Mon refuge. 
Pendant des années, ce qui m’a empêché de sombrer c’était cette idée; celle d’une évasion possible, de l’existence d’une autre vie pour moi. L’idée suffisait, pas besoin de la réaliser, juste de savoir que si les choses devenaient trop dures, il y aurait une porte de sortie. 
Peut-être -sûrement - est-ce pour cela que j’ai entrepris ce voyage. Ce voyage de retour pour moi. Ce voyage de la dernière chance pour toi. C’est là encore que je dirige nos pas. Comme une ultime prière au destin. Ce pays à qui j’ai rendu visite, année après année, malgré les changements de ma vie. Ce pays que j’aime tant parce qu’il m’a révélé à moi-même. 
Quel pays pourrait faire de même pour toi? A douze ans tu avais déjà vu le Maroc, la Tunisie, la Grèce, l’Egypte, la Turquie, l’Espagne et l’Italie. Puis plus rien depuis quatre ans. Pourtant je te sais attiré par l’Asie, Chine ou Japon en particulier. Pas assez pour vouloir faire l’effort de partir en tous cas. Quelles sont donc ces chaines invisibles qui te retiennent ici? 



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