dimanche 10 janvier 2016

LE BARINE ET LE MOUJIK DEUXIEME PARTIE CHAPITRE 28 : YELENA



     Le jour du départ arriva, tous les serviteurs s'étaient mis en ligne afin que Nikolaï et Tatiana puissent leur dire au-revoir. Tous baisèrent la main du maître,  Mikhaïl et Irina avec plus de ferveur que tous les autres. En arrivant devant Igor, Nikolaï fut surpris de voir que le garçon maintenait la tête baissée, il lui releva le menton et découvrit un visage baigné de larmes. Emu, il sortit l'enfant du rang et l'entraîna avec lui à l'extérieur où Vania l'attendait avec sa famille. Natacha et Piotr pleuraient eux aussi et Tatiana était déjà dans le carrosse, certainement pour cacher ses larmes. Nikolaï s'approcha de Vania et lui dit :
     - Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi, j'espère !
     Vania ne répondit pas et se contenta de serrer son ami de toutes ses forces dans ses bras. Nikolaï se prépara à monter dans le carrosse, mais avant il se retourna vers Igor qui se tenait toujours à côté de lui :
     - Je te le confie, veille bien sur lui, dit-il en parlant de Vania.
     - Comptez sur moi, Barine, il ne lui arrivera plus rien, je vous le promets.
     - Je sais que je peux compter sur toi. Continue à apprendre avec Vania quand je reviendrai, j'aurai besoin de toi.
     Sur ces mots énigmatiques, il caressa la joue du garçon et monta dans le carrosse.


     Le voyage fut le plus agréable de tous ceux que Nikolaï avait déjà effectués et la présence de Tatiana y était évidemment pour beaucoup ! Il n'en fut pas pour autant moins long et donna amplement à Nikolaï le temps de préparer sa jeune épouse à sa vie de Princesse Pavelski.
     Il devait d'abord la mettre au courant de certaines choses, il lui parla de Milena, puis de Dimitri, de Youri, de Vladimir, de tous ceux qu'il avait ainsi sauvé d'une façon ou d'une autre. Puis, il lui expliqua que la Cour n'était pas qu'un lieu de plaisir, essayant de la préparer aux attaques que sa beauté susciterait. 
     Ils arrivèrent à Moscou à la nuit tombée. Vladimir les accueillit en personne dans l'entrée et pendant que les valets débarrassaient le couple princier de leurs manteaux, il ne dit pas un mot.
     - Fermez la bouche, Vladimir, ordonna Nikolaï, je sais que Son Altesse est belle mais tout de même !
     - Pardonnez moi, répondit mortifié le jeune homme, je ne voulais pas me montrer offensant, pardon ...
     Nikolaï riait de bon coeur :
     - Du calme, jeune homme, vous avez bon goût et voila tout! Quoi de neuf ?
     - Tout va bien, Altesse, je suis à votre disposition si vous souhaitez entrer dans les détails. Mais, pour l'heure, un souper vous attend .
     - Oui, le reste peut attendre demain. Allez vous coucher Vladimir, merci pour tout.

     Après le souper, Nikolaï conduisit sa femme dans ce qui serait désormais sa chambre. Elle s'étonna :
     - Pourquoi pas dans votre chambre, mon amour ?
     - D'abord parce que je vous respecte tellement que je ne voudrais pour rien au monde faire l'amour avec ma femme dans le lit où ... Vous comprenez ?
     - Oui, Kolia, c'est une délicate attention.
     - Il y a une autre raison, il est nécessaire qu'une personne de votre rang possède sa propre chambre.
     Tatiana ne fut pas surprise car chez elle la règle était la même, cependant elle voulait être sure :
     - Kolia ... nous ... vous dormirez avec moi, n'est-ce pas ? Toutes les nuits ?
     - Il serait difficile de m'en empêcher !, s'amusa Nikolaï. 
     Et pour mieux la convaincre, il se mit immédiatement au lit. Mais Tatiana voulait vraiment mettre les choses au point à son tour, elle avait été au courant de bien des choses dans son palais familial.
     - Mon amour, je ... j'ai besoin de savoir ... pour ne pas être ridicule. Y a-t-'il une servante ... un peu ... plus intime avec vous que ... que les autres?
   Nikolaï fut touché par la délicatesse et la perspicacité de sa jeune épouse, il la prit dans ses bras, l'embrassa et répondit :
   - Il y a eu, est la réponse exacte; il n'était pas question de vous imposer sa présence, j'ai demandé par courrier à Vladimir de s'occuper de la placer convenablement ailleurs et je sais qu'il s'est fort bien acquitté de sa tâche. Je vous respecte plus que tout, ma chérie et jamais je ne vous rendrai ridicule. La seule chose que je ne puis empêcher, ce sont les histoires remontant de mon passé, j'ai connu d'autres femmes avant vous, vous le savez ...
     - Ce n'est pas un problème, Kolia, je vous aime.
     Et elle passa une bonne partie de la nuit à le lui prouver.


     Le lendemain, la jeune femme consacra une grande partie de la journée à faire la connaissance des serviteurs. Pour le plus grand plaisir de Nikolaï, l'idée venait de Tatiana elle-même qui avait décidé d'appliquer les mêmes principes que lui concernant les gens qui seraient appelés à la servir. De toutes façons, il lui fallait une femme de chambre de confiance.
     Elle découvrit d'abord Milena et, comme tous au palais, reçut un choc en découvrant ses yeux, mais elle se garda bien de le montrer afin de ne pas troubler l'enfant.
     La suite fut amusante, car elle découvrit à cette occasion que Nikolaï avait omis, sans doute par pudeur, de lui parler de certains de leur serviteurs. Elle apprit ainsi que Macha, leur couturière, avait un temps exercé le plus vieux métier du monde et que Nikolaï l'avait arrachée aux quolibets et aux insultes de gens bien-pensants offusqués qu'elle ait osé leur demander de l'aide pour changer de métier. Evgueni, lui, avait été tiré des griffes de son maître, vague connaissance de Nikolaï mais grand amateur de jeunes garçons.
     Mais l'histoire qui amusa le plus Tatiana, fut celle de Yelena qui se révéla être une merveille quand la princesse lui demanda de la coiffer.
     - Où as-tu appris ?
     - Chez la Comtesse Korpachov, Votre Altesse.
     - Pourquoi n'y es-tu pas restée ?
     - Elle m'a chassée.
     - Pourquoi ?
     - Parce que l'un de ses amants m'avait fait des propositions pendant qu'elle était dans la pièce d'à côté, Altesse.
     - Et alors ? Tu ne les avais pas acceptées, j'imagine !
     - Non, Votre Altesse, mais la comtesse n'a pas supporté qu'on lui préfère ...
     - Je vois. Mais dis moi, comment as-tu rencontré Son Altesse ?
     Yelena s'était tournée vers Nikolaï, gênée à l'extrême, mais celui-ci l'avait rassurée :
     - Je ne cache rien à ma femme, Yelena, dis lui la vérité.
     La jeune femme avait donc repris :
     - Après avoir jeté son amant dehors, Madame a commencé à me battre. Elle criait si fort qu'elle n'a pas entendu ... Son Altesse entrer dans son boudoir.
     - Dans son boudoir !
     - Oui, Son Altesse n'avait ... pas besoin de se faire annoncer. Il ...
     - était l'un des amants de ta maîtresse, termina Tatiana.
     Yelena rougit vivement et acquiesça d'un signe de tête. Tatiana éclata de rire :
     - Et il est reparti avec toi, au lieu de ... J'aurais donné cher pour voir la tête de cette pauvre comtesse !
     Puis, redevenue sérieuse, elle conclut :

     - C'est décidé, Yelena, ma femme de chambre personnelle ce sera toi !

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