lundi 4 janvier 2016

LE BARINE ET LE MOUJIK CHAPITRE 5 : LA REPONSE DU TSAR


        L'hiver touchait à sa fin, sous la neige mille petits signes annonçaient la vie prête à éclore de nouveau; l'eau par exemple, recommençait à couler dans les ruisseaux. Ce qui rendait les chemins de plus en plus boueux, pour le plus grand désespoir d'Olga et de Boris qui étaient chargés de la propreté du château, et qui auraient voulu pouvoir limiter les allées et venues de leur maître.
      Mais celui-ci ressentait lui aussi, l'appel du printemps sourdre en lui et entraînait Vania de plus en plus loin dans leurs explorations. Il était infatigable et paraissait ne pas sentir la morsure du froid sur son visage.
     Partout, il présentait Vania aux moujiks comme le futur intendant, celui à qui ils devraient obéir comme à lui même. Les paysans étaient d'ailleurs les seuls êtres humains qu'ils avaient rencontrés depuis l'arrivée de Vania.
    Celui-ci s'étonnait de l'extrême solitude de Nikolaï, peut-être était-il effectivement banni, mais pourquoi n'allait-il jamais à la petite ville de Krastnoïarsk à seulement quelques verstes de là? 
    " Un jour ", avait dit le maître, et Vania attendait tranquillement, laissant son imagination travailler entre temps. Aucun incident fâcheux ne s'était produit depuis la partie de dames, et les jours s'écoulaient paisiblement.

    Quand, soudain, un matin, alors que Vania se trouvait dans le bureau de Nikolaï, il aperçut par la fenêtre deux hommes dans un uniforme impossible à confondre : celui des streltsy.
    La panique s'empara de lui :
    - Maître, quelqu'un m'a dénoncé, ils viennent pour moi. Ils ont attendu le dégel pour mieux passer.
    Il cherchait désespérément une issue quand Nikolaï s'avançant vers lui, le força à s'asseoir dans un fauteuil.
   - Vania, ne recommence pas la même erreur ! Ta vie est entre mes mains, tu t'en es remis à moi; c'est notre marché ! Alors, laisse moi me charger de ça. Il ne t'arrivera rien; je te le promets ! Il peut y avoir plusieurs raisons à leur présence; d'abord, il est possible qu'ils soient ici pour vérifier ma présence.
     Devant l'air étonné de Vania, il ajouta :
     - Oui, ça fait partie des choses que je t'expliquerai bientôt. Ensuite, ils sont peut-être porteurs de la réponse du Tsar.
    Nikolaï ordonna à Vania de rester dans le bureau, avant de se rendre dans le salon où les cosaques venaient d'être introduits. Comme il le pensait, le commandant du poste s'était déplacé en personne; après un salut respectueux, il prit la parole :
    - Votre Altesse, je suis navré de vous importuner, mais vous connaissez mes instructions...
   - Je sais, commandant, coupa Nikolaï, vous devez vérifier que je suis bien dans mon domaine. Et bien, cela nous donnera au moins le plaisir de déjeuner ensemble.
   - Votre Altesse est trop bonne. il y a ... autre chose ... une lettre de Sa Majesté pour vous.
   - Fort bien, j'y comptais. Si vous permettez ...
    Nikolaï se saisit du pli qu'on lui tendait, mais il écarta vite la lettre elle même, pour parcourir le document annexe : la grâce de Vania, signée par le Tsar lui même, l'absolvant de tout ce que l'on pouvait lui reprocher et qui en faisait un homme libre.
   - Regardez, commandant, voici ce que j'attendais. Je viens d'engager cet homme, cet hiver, comme intendant et puisque je ne peux pas me déplacer librement dans ce pays, il le fera pour moi et je ne voulais pas qu'il puisse avoir des ennuis.
   - Avec ceci, il n'en aura aucun, assura le commandant.
   - Il ne me reste qu'à vous le présenter.
   Il agita une petite cloche et dès qu'Olga se présenta, il lui remit le document avec ordre d'aller le porter à Vania dans le bureau, et de lui demander de les rejoindre au salon, après en avoir pris connaissance.

    Une dizaine de minutes s'écoulèrent, quand l'arrivée de Vania interrompit la conversation entre Nikolaï et le commandant. Oubliant toute retenue, Vania se laissa tomber aux genoux de son maître.
   Nikolaï le releva doucement, le présenta au commandant, puis il entraîna tout le monde à table où, pour une fois, Vania se laissa aller à boire un peu de vin.

6 - caftans rouges et bonnets jaunes

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