vendredi 8 janvier 2016

LE BARINE ET LE MOUJIK DEUXIEME PARTIE CHAPITRE 10 : L' ETE DU PRINCE PAVELSKI



     Une semaine après l'arrivée de Nikolaï, un valet se présenta au château de la part du comte Ikourine pour transmettre une invitation pour plusieurs jours de festivités. Le jeune prince accepta avec plaisir, maintenant qu'il n'était plus prisonnier, il était plus à même d'apprécier des plaisirs simples comme une visite entre voisins.
     C'est ainsi que quelques jours plus tard, le carrosse du prince Pavelski, mené bien sur par Pavel, roulait sur un petit chemin de campagne. A l'intérieur, Nikolaï et Vania étaient une fois de plus plongés dans une longue conversation. En face d'eux, très impressionnés, se trouvaient Igor et Piotr.
     Ils arrivèrent sans encombres et furent menés jusqu'à leur chambre, Nikolaï et Vania se préparèrent pour le dîner en essayant d'oublier certains souvenirs relatifs à un autre dîner. Ils durent redoubler d'efforts en descendant vers la salle à manger car ils croisèrent la famille Kirinski au grand complet.
     Alexeï, lui, fut ravi de la rencontre.
     - Vania, mon ami, je comprends mieux ton absence depuis une semaine, dit-il en voyant Nikolaï.
     En disant cela, il s'inclina devant le jeune prince.
     - Votre Altesse, c'est un honneur pour moi.
     - Alexeï Dimitiovitch, vous êtes un honnête homme. Votre main.
     Nikolaï serra la main d' Alexeï, mais le laissa partir devant avec Vania, car, devant lui s'inclinait l'une des plus belles filles qu'il eut jamais vues. La voyant aux côtés du comte et de son épouse, il comprit que ce ne pouvait être que la gamine à laquelle il n'avait accordé qu'un regard distrait trois ans auparavant.
     Vania lui avait bien sur parlé de l'épisode de " la cheville foulée " mais il avait oublié de lui dire à quel point Tatiana était devenue une belle femme.

     Nikolaï avait déjà été attiré, touché, ému par de nombreuses femmes mais il n'avait jamais ressenti cette brûlure interne à la fois douce et mordante qui l'étonna et le ravit tout à la fois. Il fut donc heureux de constater que le sort, ou la volonté de la maîtresse de maison, l'avait placé tout près de la jeune fille.
     Vania et Alexeï ne se trouvaient pas très loin et la conversation fut des plus agréables. Nikolaï put à loisir admirer l'esprit de répartie de Tatiana et se souvint que le respect qu'elle montrait pour Vania, loin d'être feint, remontait à ce fameux dîner où elle avait été son seul allié.
     Il lui en savait gré et se laissait aller à un doux marivaudage sous le regard approbateur du Comte. Nikolaï comprenait fort bien que celui-ci n'aurait pu souhaiter de meilleur gendre que le cousin du Tsar mais il était bien décidé à rester lucide.
     Après le dîner, on dansa et là encore, Tatiana se débrouilla pour monopoliser l'attention du prince. Ella alla même jusqu'à renverser une tasse de thé brûlant sur les genoux d'une autre jeune fille qui avait eu l'imprudence de lui confier que Nikolaï lui avait demandé une danse. Celui-ci, amusé, n'avait rien perdu de la scène. Il savait déjà, par Vania, que Tatiana était prête à tout quand elle voulait quelque chose, mais il venait d'en avoir la preuve.
     Danser avec elle fut une épreuve pour lui; il sentait ce petit corps , si jeune et si déterminé, s'abandonner dans ses bras et devait faire des efforts surhumains pour ne pas se pencher vers ses lèvres pour y cueillir un baiser. Tatiana, les yeux plongés dans le regard vert du prince, comprenait très bien ce qui se passait. Elle décida d'en jouer et tout en continuant à le dévorer des yeux, passa sa langue sur ses lèvres entrouvertes.
     Nikolaï perdit le compte de ses pas, trébucha légèrement avant de se ressaisir sous le regard moqueur de sa partenaire. Il se promit de s'en souvenir et de mieux se maîtriser à l'avenir. Le bal se termina donc sans que le moindre baiser ne soit échangé et Tatiana dut se contenter des frôlements de mains inévitables qu'elle prolongeait au maximum.
     Mais Tatiana ne s'avouait pas facilement vaincue; le lendemain elle profita de la promenade pour demander l'aide du prince pour descendre de cheval, se retrouvant bien sur dans ses bras.
     Mais elle en fut pour ses frais, tant Nikolaï, pourtant consumé de désir, était décidé à rester maître du jeu. Si la jeune fille rentra déçue chez elle, elle n'en laissa rien paraître et se montra charmante et enjouée jusqu'au bout.
     De toutes façons, elle savait que cette rencontre n'était que la première de l'été et s'était débrouillée pour que son père invite le prince dès la semaine suivante. 

     L'été se poursuivit sur le même mode pour Nikolaï et Vania; plein de plaisirs divers, de discussions jusqu'au bout de la nuit, de promenades, de chasses en compagnie d' Alexeï et d'invitations chez les voisins où inévitablement ils retrouvaient Tatiana. Le bonheur leur allait bien et l'été glissa tel un songe.

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