vendredi 8 janvier 2016

LE BARINE ET LE MOUJIK DEUXIEME PARTIE CHAPITRE 14 : TAMARA


     La liste s'allongea avec l'acquisition d'une nouvelle servante, dans de bien étranges circonstances. Nikolaï, en sortant d'un dîner mondain, s'était laissé entraîner par un de ses amis à une soirée privée.
     En arrivant dans le palais en question, le jeune prince se rendit compte qu'il s'était fourvoyé dans le genre d'histoires qui ne lui plaisaient plus vraiment. Il y avait beaucoup d'allées et venues d'hommes et de femmes, les bougies peu nombreuses laissaient les salons dans la pénombre et des bruits étranges montaient des recoins.
     - Sacha Petrovitch, vous êtes un idiot. Comment avez-vous pu penser que ce genre de choses me plairait encore ?
     - Encore; vous avez bien dit, Altesse. Car je me souviens fort bien avoir fréquenté plusieurs soirées du même genre en votre compagnie voilà six ou sept ans...
     - Il suffit, Sacha ! Cette époque est révolue. J'ai changé !
     - Justement; beaucoup trop, Nikolaï Wladimirovitch ! Beaucoup trop ! Et c'est pire depuis que vous êtes retourné en visite à  Orenbourg. Vous arborez un air ... sinistre. J'ai pensé qu'un peu de distraction vous ferait du bien.
     - Pas de ce genre là en tous cas.
     - Allons ! Le comte Kourov s'est donné du mal, il a fait le tour de ses propriétés pour y trouver de toutes nouvelles filles. Pourquoi m'en vouloir de tenter de vous dérider ?
      - Sacha, je ne vous en veux pas.
     Nikolaï réfléchissait ... après tout ... un peu de bon temps ... il ne risquait rien à se promener un peu, à se laisser aller...
     - D'accord, je reste. Faisons un tour.

     Les deux hommes commencèrent à se promener, abordés de temps en temps par l'une des " hôtesses " du comte Kourov. Une longue beauté brune, aux yeux en amande, s'approchant de Nikolaï, s'empara de sa main et l'attira vers le coin le plus sombre du salon où il venait d'entrer. Nikolaï, séduit par les courbes gracieuses et le regard de biche de la jeune femme, la suivit jusqu'au canapé qui leur tendait les bras. Son ami s'éloigna en souriant.
     Le prince fut rapidement débarrassé de sa veste et de sa chemise et la brune amazone entreprit de lui lécher tout le torse tout en maintenant sa main gauche fermement plaquée sur son entrejambe. Nikolaï n'était pas habitué à ce qu'une femme prenne ainsi les choses en main au propre comme au figuré. Amusé, il se laissait faire, tous ses sens en éveil, savourant chaque caresse, quand il entendit des plaintes entrecoupées de jurons provenir de l'angle opposé de la pièce.
     Une jeune fille, a demi-nue à laquelle il n'avait pas prêté attention en entrant, suppliait l'homme qui la maintenait de se montrer moins brutal. Nikolaï soupira, le petit signal venait de retentir dans son esprit. Il prit la tête de sa jeune partenaire entre ses mains, arrêtant ainsi son manège et lui dit :
     - Je pense que tu sens à quel point tu me plais, mais...
    Il fouilla dans la poche de sa veste pour en extraire plusieurs pièces d'or :
     - Ceci est pour toi si tu vas voir l'homme là-bas et que tu lui propose un échange : toi contre elle.
     - Vous êtes sur de gagner au change ?
     - Je suis sur d'y perdre, ma belle, mais ... ne cherche pas à comprendre.
     - Fort bien, Seigneur.
     Et la jeune fille, légèrement vexée, empocha l'argent avant d'aller proposer le curieux marché à l'homme. Après un bref échange de coups d'oeil, la chose fut acceptée.
     Nikolaï vit donc s'approcher de lui une jeune fille fine et blonde qui cachait pudiquement ses seins de ses deux mains. Elle s'arrêta devant lui, ne sachant que faire, les yeux baissés, tremblant de tous ses membres.
     Le prince lui prit doucement la taille et la fit asseoir à ses côtés :
     - Ne crains rien. Cesse de trembler. Je saurai me montrer doux et patient avec toi.
     La jeune fille se mit à pleurer doucement. Nikolaï l'attira sur ses genoux et lui écartant lentement les mains, commença a lui caresser les seins. Sa tendresse et sa patience, si différentes de la brutalité et la hâte de l'autre homme, la calmèrent peu à peu. Ses larmes cessèrent de couler et elle osa lever les yeux sur celui qui se montrait si doux. Il faisait sombre, mais l'éclat des yeux verts et les traits réguliers et fins du jeune homme achevèrent de la convaincre de sa chance.
     - Comment t'appelles-tu ?, murmura-t'il.
     - Tamara, Barine.
     - Tu es vierge, n'est-ce pas ?
     - Oui, Barine, avoua-t'elle en rougissant.
     - N'aie pas peur, je ne te ferai pas mal, je serai très doux.
     Il se pencha vers ses lèvres et s'en empara tendrement. Tamara frémit, pour la première fois de la soirée, elle éprouvait du plaisir. Quand le maître était venu dans le village, elle avait vite compris quel serait son sort. Il était évident qu'il ne pouvait avoir besoin d'autant de servantes d'un coup et Tamara était loin d'être crédule. Elle avait essayé de se faire à l'idée, par peur du fouet et en se disant que cela lui permettrait peut-être d'échapper à la dure vie des moujiks. Mais une fois confrontée à la réalité, elle avait commencé à paniquer, jusqu'à ce que cet étrange barine ne décide de s'occuper d'elle.
     Nikolaï avait senti que Tamara prenait du plaisir à ses baisers, il en profita pour glisser une main sous ses jupes. La jeune fille se raidit instantanément.
     - Tamara, tu dois me faire confiance. Si tu ne me laisses pas faire, ce sera ton maître qui s'en chargera et tu sais qu'il sera furieux et brutal.
    - Oui, Barine, je sais. Pardonnez moi ! Je ferai ce que vous voudrez! N'appelez pas mon maître ! Par pitié !
     - Calme toi, Tamara ! Nous ferons ça à ton rythme. Je veux juste que tu me fasses confiance.
     Pour toute réponse, Tamara écarta les jambes, laissant la voie libre pour la main de Nikolaï. Celui-ci, désireux de mettre la jeune fille en confiance, prit tout son temps, lui caressant longuement l'intérieur des cuisses. Tamara se détendit et chercha de nouveau d'elle-même les lèvres de Nikolaï. Ce fut avec un gémissement de plaisir qu'elle sentit la main atteindre l'endroit le plus intime de sa personne.

     Le comte Kourov circulait à travers son palais afin de vérifier que tout se passait bien. Il avait été flatté d'apprendre que le prince Pavelski lui faisait l'honneur d'assister à sa soirée et ne mit pas longtemps à le découvrir dans l'un de ses salons. Il fut agréablement surpris de voir que la servante qui était avec lui et dont il avait craint l'inexpérience, satisfaisait de toute évidence tous les désirs de Son Altesse.
     Tamara se trouvait maintenant assise à califourchon sur les genoux de Nikolaï. L'autorité que le barine lui avait donnée sur le déroulement des choses lui avait d'abord permis d'apprivoiser sa peur puis de prendre un réel plaisir. Elle expérimentait pour la première fois de sa jeune vie la double jouissance de son plaisir propre et de celui de son partenaire.
     Quelques instants plus tard, elle reposait la tête posée sur les genoux de Nikolaï, quand elle se remit à pleurer. Le jeune homme crut comprendre :
     - Personne ne peut te reprocher d'avoir perdu ton pucelage, c'est ton maître lui-même qui...
     Tamara eut un petit sourire triste :
     - Non, ce n'est pas ça. C'est que, maintenant, je dois vous quitter, pour aller ... proposer ... à quelqu'un ... Le maître a dit ...
     - Il n'en est pas question ! Je te garde pour la nuit !
     Il s'arrêta, réfléchissant un peu, puis il se lança :
     - Tamara, je veux même te sortir de là ! Plus personne ne t'obligera à ça ! Je veux que tu deviennes ma servante.
     Tamara frémit, elle aurait tant aimé y croire, plus jamais elle n'aurait eu peur, mais ce n'était qu'un rêve.
     - Barine, mon maître ne voudra pas. Il compte ... m'utiliser longtemps avant de ...
     Sa voix se brisa en un sanglot. Nikolaï plia les genoux, amenant la tête de la jeune fille à portée de ses lèvres, il s'en empara et recommença à la caresser sur tout le corps. Puis il cessa et lui expliqua :
     - J'ai plus de pouvoir que tu ne le crois, jeune fille. Tu devrais me faire confiance.
     - Je voudrais tant, Barine. Je ferai tout ce que vous voulez. Vous avez été si bon, si patient, si doux avec moi. Je ne veux
pas qu'un autre homme me touche ! Mais ...
     Tamara aurait voulu protester, expliquer que son barine ne céderait pas, qu'elle aurait aimé recommencer avec Nikolaï avant de devoir passer à quelqu'un d'autre mais ... on ne discutait pas avec le bouillant prince Pavelski : on obéissait.
     Main dans la main, ils parcoururent les salons à la recherche du comte Kourov. Dès qu'il l'aperçut, Nikolaï alla droit au but :
     - Comte, je vous remercie pour votre hospitalité; il y a longtemps que je n'avais mis les pieds dans ce genre de soirée. J'ai été plus qu'agréablement surpris, totalement conquis par cette jeune fille. J'ai donc une requête à formuler.
     - Altesse, c'est un grand honneur pour moi. Que puis-je pour vous? 
     - Me vendre cette fille.
     - Altesse, voyons, vous comprenez bien que ... Elle est si jeune, je ...
     - Je sais qu'elle vaut cher, mais ... j'ai les moyens.
     - Non, Altesse, je ne veux pas vous la vendre.
     Tamara était au désespoir, après avoir touché du doigt le bonheur, elle le voyait disparaître. Mais c'était mal connaître Nikolaï. On ne disait pas non si facilement au prince Pavelski.
     - Allons, comte. Un bon geste. 
     Le comte hésitait; mécontenter le cousin du Tsar était dangereux ... Il valait mieux utiliser son influence pour regagner les bonnes grâces de Sa Majesté.
     - Altesse, je ne vous la vends pas. Je vous l'échange contre un entretien avec Sa Majesté. Voici des mois que je sollicite une entrevue sans succès, pourriez-vous plaider ma cause ?
     - Je chasse demain avec mon cousin. Je me fais fort de vous obtenir un entretien pour la semaine prochaine.
     - C'est tout ce que je demande, Votre Altesse, merci. La fille est à vous. Je ferai porter les papiers à votre palais dès demain.
     - Bonsoir, Comte. Merci.
     - Merci à vous, Altesse.
     Nikolaï dut soutenir une Tatiana, étourdie par tant de bonheur. Elle ne cessa de trembler et de douter qu'une fois dans le lit de son nouveau maître. Là, elle poursuivit son initiation aux choses de l'amour au milieu des promesses du jeune homme:
     - Personne d'autre que moi ne te touchera, Tamara. Tu n'as plus rien à craindre ... Je ne t'obligerai jamais à le faire, si tu ne veux pas ...
     - Je crois que je voudrais souvent, répondit en riant Tamara.
     Puis, redevenue sérieuse :
     - Et quand vous vous marierez ? Quand vous ne voudrez plus de moi ?
     - Tu n'as rien à craindre pour l'instant, répondit Nikolaï qui s'efforça de faire disparaître l'image de Tatiana qui s'imposait à lui. Je te trouverai une bonne place et je t'affranchirai à ce moment là.
   


     A Vassili et à Tamara s'ajoutèrent vite d'autres cas tout aussi atypiques. Mais ce que Nikolaï ne pouvait prévoir c'était qu'il aurait peu de temps pour les former et qu'il serait très vite amené à prendre des dispositions pour s'adapter aux changements de sa vie.

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